Avis sur Côte ouest de Paula Fox


Des pérégrinations de la jeune Annie, une gosse délaissée dans l’Amérique du début des années 1940 - au sortir de la Dépression et dans les murmures de la Seconde Guerre mondiale - Paula Fox tire une chronique sociale acérée et le récit au vitriol d’un apprentissage douloureux. Sans concession, l’écrivain analyse le dégoût de soi et des autres, expose les ressorts de la manipulation et de l’aliénation. Elle dissèque la complexité des interactions humaines, hésitantes, malhabiles, superficielles et pose un regard sévère sur ses contemporains. Dans ‘Côte ouest’, le communisme est une obsession risible, tandis que le capitalisme engendre d’outrageux divertissements, des monstres qui étouffent, avalent et digèrent les rêves qu’ils suscitent.

Sa petite Annie est un fantôme, le double féminin de ‘L’Homme invisible’ de Wells, entité diaphane d’incertitude et de fragilité qui échoue sur la plage en plaqué or d’Hollywood. Cet Ouest fantasmatique, gris et poussiéreux, où se brisent les promesses de gloire et de richesse, où des paumés usent leurs dernières ambitions, où les glorioles d’écrivaillons minables sont aussi fuyantes que du savon. Paula Fox est une artiste, parce qu’elle manie l’insaisissable et le dégoût avec autant de réalisme que de force. Nimbé de lumière pâle et de désenchantement, son texte est ciselé, couché à l’encre diluée de l’amertume. 

Sa plume avale les conversations, saute d’un personnage à un autre, suit le va-et-vient des corps, les états d’âme, jusqu’à provoquer cette nausée qui imprègne son oeuvre. ‘Côte ouest’ se mérite, on n’y entre pas sans effort ni constance, on n’en sort pas indemne. A la fois symbolique et hyperréaliste, incroyablement symptomatique de la culture et de l’histoire américaine, le roman de Paula Fox, écrit en 1972, aura mis 35 ans de trop à arriver chez nous.


Côte ouest de Paula Fox

Editeur : Folio
Publication : 17/4/2009

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