Chronique de L’art et la manière de Georges Perec
Ajouté au titre à la
froideur toute scientifique, l’organigramme alambiqué qui ouvre ce
petit ouvrage intrigue : où va donc encore nous entraîner
l’insaisissable Georges Perec ? Parodie de guide pratique, ce court
texte propose l’étude exhaustive du chemin tortueux qui mène à
la précieuse augmentation. Rédigé pour une revue en 1968 et jamais
édité depuis, ‘L’Art et la manière…’ déroule marche après
marche l’organigramme introductif : Perec étudie le champ de tous
les possibles, imagine les mille et une embûches susceptibles de
nuire à l’obtention des précieux francs supplémentaires.
Très
amusant, ce court texte se savoure comme une blague insistante et
loufoque. Les nombreuses digressions sans aucun intérêt (sur la
situation de la rougeole en 1966 par exemple) et l’inépuisable
flot de mots qui s’enchaînent comme les rouages d’une machine
implacable le rendent plus drôle encore.
Mais ‘L’Art et la manière…’ ne se réduit pas à une pochade extravagante ou à une satire sociale piquée. En digne membre de l’Oulipo, Perec double son récit d’une dimension expérimentale. Son objectif ? “Arriver à un texte réellement linéaire donc totalement illisible.”
Pour cela, il entasse inlassablement les
rebondissements, multiplie les exagérations, tourne en rond, oblige
le lecteur à repasser par toutes les embûches avant d’en
affronter une nouvelle. Il évacue même toute ponctuation pour ne
conserver qu’une interminable phrase de 80 pages. Perfide, lourd et
redondant à l’excès, l’auteur ne parvient pourtant pas à
gâcher notre plaisir. Bien au contraire.
L’Art et la manière de Georges Perec
D’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation
de Georges Perec
Editeur : Hachette
Littératures
Publication :12/11/2008
Publication :12/11/2008
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